La Covid-19 a transformé nos vies. Certains impacts de la pandémie furent immédiats, d’autres se feront sentir au long cours. Un des impacts immédiats de la pandémie fut de paralyser le fonctionnement de l’Assemblée Nationale et de la Chambre des communes. Ce faisant, d’importants projets de loi qui devaient être adoptés au cours du printemps n’ont pu l’être dans les délais initialement anticipés.
Tel est le cas, pour le projet de loi C-7 qui devait être adopté par le Parlement du Canada en réponse à la décision Gladu/Truchon, rendue le 11 septembre 2019, qui invalidait la notion de «mort naturelle devenue raisonnablement prévisible» comme critère d’admissibilité à l’aide médicale à mourir. Le Tribunal octroyait toutefois une période de suspension de la décision de six (6) mois afin de permettre au gouvernement de modifier sa législation en conséquence. Ce délai a été prolongé pour une période de quatre (4) mois additionnels, soit jusqu’au 11 juillet 2020.
Étant dans l’incapacité d’adopter cette loi avant le 11 juillet 2020, le gouvernement fédéral a dû s’adresser aux tribunaux afin de bénéficier d’une nouvelle période pour lui permettre de répondre au jugement Gladu/Truchon.
Ainsi, le 29 juin dernier, l’honorable Frédéric Bachand accordait un délai supplémentaire de cinq (5) mois au gouvernement fédéral lui permettant ainsi d’adopter une loi jusqu’au 18 décembre 2020.
Au cours de cette période, comment une personne qui ne satisfait pas le critère de «mort naturelle devenue raisonnablement prévisible» peut-elle avoir accès à l’aide médicale à mourir dans l’éventualité où elle satisfait tous les autres critères?
Pour l’essentiel, depuis la décision Gladu/Truchon, toute personne qui rencontre les critères exigés par la loi pour recevoir l’aide médicale à mourir, à l’exception du critère de mort naturelle raisonnablement prévisible, peut s’adresser au tribunal pour obtenir l’autorisation de recevoir tout de même l’aide médicale à mourir. La personne doit présenter sa demande à la Cour supérieure du palais de justice de sa région et, bien qu’elle puisse se représenter seule, une consultation auprès d’un avocat spécialisé dans le domaine du droit de la santé est fortement recommandée.
À ce jour, trois (3) décisions ont été rapportées au Québec à ce sujet. Dans la décision la plus récente soit Trudeau c. PGC, 500-17-112326-205, dans laquelle MedLégal représentait la demanderesse, l’honorable Michel Yergeau rappelle au paragraphe 30 de la décision :
«(…) qu’une demande d’exemption constitutionnelle permettant I’administration de l’aide médicale à mourir est, et doit demeurer une question grave qui exige d’être décidée sur la base d’une preuve médicale solide. En aucun cas de tels dossiers ne doivent être traités de façon routinière. (…)»
Lien vers la décision : https://www.canlii.org/fr/qc/qccs/doc/2020/2020qccs1863/2020qccs1863.html?resultIndex=1
Ce faisant, lors d’une audition visant à obtenir une exemption constitutionnelle afin de recevoir l’aide médicale à mourir malgré le fait que la personne ne présente pas une mort naturelle raisonnablement prévisible, il s’avère nécessaire de mettre en preuve les extraits de dossiers médicaux pertinents qui documentent la condition de la personne.
Il est tout aussi nécessaire que le médecin traitant de la personne ou encore le médecin qui administrera éventuellement l’aide médicale à mourir soit entendu par la Cour afin d’expliciter en quoi la personne qui formule la demande satisfait les autres critères à savoir :
- Être assurée au sens de la Loi sur l’assurance maladie;
- Être majeure;
- Être apte à consentir;
- Être atteinte d’une maladie grave et incurable;
- Présenter un déclin avancé et irréversible de ses capacités;
- Présenter des souffrances physiques ou psychiques constantes;
- Formuler une demande d’aide médicale à mourir de manière libre et éclairée
Aussi, il est important de rappeler que le rôle du tribunal lors d’une telle demande ne consiste pas à se prononcer sur le caractère opportun de la demande. Son rôle consiste plutôt à analyser la preuve afin de déterminer si oui ou non les critères énumérés précédemment sont satisfaits.
À ce sujet, dans l’affaire Payette c. PGC, 500-17-112123-206, la juge Baudouin écrivait aux paragraphes 13 et suivants :
Le rôle du tribunal n’est pas de trancher un litige dans une structure classique du système contradictoire, mais plutôt de déterminer si les critères relatifs à l’aide médicale à mourir sont remplis;
Le tribunal n’exerce pas sa compétence parens patriae visant à protéger ceux qui ne peuvent pas prendre soin d’eux-mêmes;
Le tribunal n’a aucun pouvoir discrétionnaire lorsque les critères d’admissibilité (…) sont satisfaits;
Le tribunal accomplit sa mission de protection contre les risques que pourraient courir les personnes vulnérables en déterminant si les exigences d’admissibilité à l’aide médicale à mourir sont remplies, car ces exigences contiennent (…) les mesures de sauvegarde pour s’assurer de l’absence de pressions extérieures et du consentement libre et éclairé;
Il est important de savoir qu’une demande comme celle décrite ci-dessus est toujours entendue en urgence par les tribunaux et, une fois que celle-ci est déposée, il est possible d’obtenir un jugement dans les semaines qui suivent.
Finalement, tous les établissements de santé du Québec se sont dotés d’un Groupe d’intervention de soutien (ci-après GIS) dont la mission est spécifiquement d’encadrer les équipes de soins dans le cheminement des demandes d’aide médicale à mourir. Pour les professionnels de la santé qui reçoivent une demande d’aide médicale à mourir et qui entretiennent des doutes quant à la recevabilité de celle-ci, il est impératif que ceux-ci s’adressent au GIS afin d’obtenir le support nécessaire.
Pour les personnes qui estiment être admissibles et qui font l’objet d’un refus fondé sur le fait qu’ils ne présentent pas une mort naturelle raisonnablement prévisible, n’hésitez pas à contacter nos avocats experts en droit de la santé.